Pourquoi
ce projet ?


Christophe Robert
Délégué Général
de la Fondation Abbé Pierre

L’agence régionale de la Fondation Abbé Pierre en Auvergne Rhône-Alpes a initié en 2017, avec l’appui d’Atlantide Merlat, une démarche visant à ouvrir la possibilité aux personnes mal-logées de prendre la parole et d’aborder leurs parcours de vie, leur expérience à la rue, en se décalant du seul témoignage des conditions de vie, fonction dans laquelle nous avons souvent enfermées les personnes en situation d’exclusion.

Une première démarche a vu le jour en 2019 avec la publication d’un cahier d’expériences et de recommandations.
La difficulté d’accéder à une information utile, voire vitale quand on est à la rue s’est imposée à l’issue de ce premier travail commun, comme un sujet prioritaire pour les membres du groupe (Où dormir ? Où manger ? Où se laver ? Où se reposer et poser son sac ? Où faire ses démarches, quels tuyaux alternatifs partager ? etc.).

Durant l’année 2020, un groupe de 7 street-reporters, composé d’hommes et de femmes qui ont connu la rue, est ainsi allé à la rencontre de plusieurs structures de l’urgence sociale de l’agglomération lyonnaise (accueils de jours, services d’aide alimentaire et d’hygiène, service d’orientation pour un hébergement/logement, bains-douches, service de bagagerie etc.). Formé à la méthode de l’enquête sociologique, avec l’appui de Gabriel Uribelarrea et Louis Bourgois (Odenore / chaire Publics des politiques sociales), le groupe a rencontré les équipes professionnelles et/ou bénévoles de ces lieux pour échanger, à partir de leur expérience et recueillir des informations sur le fonctionnement de ces structures.
Les interviews récoltées sont retransmises aujourd’hui sous forme de podcasts. Elles ne formulent pas une critique des réponses construites à l’attention des personnes sans domicile, mais au contraire ouvrent la voie à une rencontre et un échange avec des professionnels, des bénévoles autour du fonctionnement des services pour ceux qui n’ont d’autres choix que les solliciter, empreinte de clairvoyance et d’humanité. Les activités sont abordées par les enquêteurs sous un angle positif et concret qui permet de comprendre les possibilités mais aussi les limites des solutions proposées aujourd’hui aux personnes sans domicile.
Pour la Fondation Abbé Pierre, ce beau travail que nous confie aujourd’hui le groupe de street reporters est d’une importance capitale puisqu’il participe concrètement de la lutte contre les représentations vis-à-vis des personnes exclues du logement, en ouvrant la parole et le savoir. Il nous recentre également et nous réinvite simplement et concrètement à faire mouvement aux côtés des mal-logés.
Fondation Abbé Pierre Auvergne Rhône-Alpes

La première mission que m’a confiée la Fondation Abbé Pierre mettait en lumière le savoir expérientiel des personnes sans-abri. En animant des groupes participatifs, je suis allée à la rencontre de cette source de connaissance, aussi évidente qu’incontournable, pour améliorer les solutions proposées aux plus vulnérables. Professionnelle de terrain, j’étais au contact des personnes en situation d’exclusion, en première ligne. Pourtant, le regard des bénéficiaires sur les structures que je connaissais bien m’a souvent donné l’impression de déambuler dans les couloirs secrets de mon propre quotidien. A l’image d’un soignant et d’un patient qui partagent le même service, mais pas le même récit, il restait des étapes à franchir pour gommer les frontières qui font obstacle à la relation. Il nous restait beaucoup à apprendre les uns des autres, accueillis et accueillants.
Portés par cette volonté de prendre le relais du dialogue, Éric, Touatia, Gérald, Bernard, Franck et Aïcha ont poussé les portes d’associations, de services municipaux et d’initiatives locales dont la mission est de venir en aide aux sans-abri. Rien n’aurait été possible sans Louis et Gabriel, les chercheurs qui se sont joints à l’aventure pour accompagner les participants dans une initiation à la méthode d’enquête. Ils ont appris à s’intéresser aux petites choses, à prendre de la distance sans jamais s’égarer, à prendre les choses au sérieux sans les prendre trop à cœur. Leurs expériences souvent douloureuses de l’urgence sociale n’a jamais été un frein aux entretiens, mais toujours une valeur ajoutée garante de l’intégrité des discours institutionnels.
En éclaireurs devant celles et ceux qui demain auront besoin d’aide, les streets reporters ont visité des arrière-cours, partagé des impressions, fait des liens entre les missions et les territoires.
Atlantide Merlat

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